Letter 4862

Tchaikovsky Research
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Date 8/20 February 1893
Addressed to Josef Bohuslav Foerster
Where written Klin
Language French
Autograph Location Prague (Czechia): Private collection
Publication П. И. Чайковский. Полное собрание сочинений, том XVII (1981), p. 38–39

Text and Translation

French text
(original)
English translation
By Brett Langston
8/16 Février 1893
Klin, neben Moskau

Mon cher ami!

Vous devez avoir une très mauvaise opinion de moi ! Voici a peu près 4 mois que je ne trouve pas assez de loisir pour consacrer à l'examen minutieux de Vos compositions quelques heures ! Vous croyez probablement que je suis un paresseux, un personnage qui sait promettre, mais ne sait pas tenir ses promesses, un égoïste, — enfin un monsieur qui ne mérite pas l'amitié que Vous m'avez témoignée. Et cependant je Vous jure bien des fois j'ai pensé à Vous et que le rouge me montait au visage quand je songeais au devoir que je me suis imposé, mais que voulez Vous ? D'abord j'ai été tourmenté à Pétersbourg par les émotions d'un auteur d'opéra, ensuite j'ai fait un grand voyage à l'étranger et ai eu beaucoup à faire dans différentes villes, enfin il m'a été impossible de satisfaire mon vif désir de m'occuper de Vous. Il y a 4 jours je suis rentré chez moi et tout de suite je me suis mis à l'œuvre. Quant 'à la suite, je l'avais avec moi à Pétersbourg et l'ai jouée plusieurs fois à 4 mains avec le fils de mon ami Napravnik. Toutes vos autres compositions ont été étudiées dans ces derniers 4 jours. Voici la conclusion de mes diverses impressions. Il est hors de doute que Vous possédez un vrai talent de composition. Mais c'est un talent qui cherche encore son chemin, dont l'individualité ne s'est pas encore prononcée, qui vacille un peu et manque encore de ce qu'on appelle maestria. Enfin, — s'est un fruit quoique déjà bon ; mais pas assez mûr. Ce qui surtout me frappe, c'est que dans Vos thèmes, dans leur développement il y a une certaine raideur quelque chose de factice ; on dirait que Vous craignez d'être simple et naturel. Par exemple il n'y a pas assez de symmetrie dans Votre rythme ! Même dans des airs de danses il y a souvent trop ou pas assez des mesures ! Ainsi dans le No. 1 de "Jarni nálady" le thème de valse est de 11 mesures ; dans le No 11 il est de 13 mesures etc., etc. Dans la sonate op. 14 les thèmes ne sont pas assez développés, il y a des lacunes, des modulations par sauts.

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Dans le No 1 op. 17 le commencement est plein de charme, mais à la 7-me mesure la mélodie et le rythme cessent d'être simples et naturels et le travail de tête commence ; dans le No 11 op. 17 le délicieux thème de la berceuse est gaté par on defaut de rythme (il y a 17 mesures), enfin presque partout vous péchez par le manque de simplicité et de naturel. Quelquefois vos modulations sont tourmentées, par exemple dans le trio (op. 8).

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Dans ce trio la deuxième partie est tout à fait charmante, pleine de verve, de détails harmoniques et rythmiques piquants. J'ai trouvé des choses charmantes dans la suite, quoique les formes semblent un peu ecourtées, pas assez développées. Quant au pièces pour chant — je ne puis en dire grand chose car je ne comprends pas le texte. Vous possédez l'art du contrepoint à un degré très haut. Enfin Vous pouvez être sûr de posséder un vrai talent et je Vous encourage aussi énergiquement que possible de continuer. Votre opéra m'interesse beaucoup ; est-il gravé ?

Sur ce, mon bien cher ami, je Vous embrasse. Mettez moi aux pieds de Votre délicieuse petite femme, dont je baise les mains avec mille tendres compliments.

À Vous P Tschaikowsky

8/16 February 1893
Klin, near Moscow

My dear friend!

You must have a very poor opinion of me! In almost 4 months I have been unable to find a few free hours to spend on a detailed examination of your compositions! You probably think that I am an idler, a person who makes promises he does not know how to keep, an egotist, and, ultimately, a gentleman who does not deserve the friendship you have shown me. And yet I swear many times that I thought of you, and blushed red when I thought of the obligation I had imposed upon myself, but wanted to do for you. Firstly, I endured the torments being an opera composer in Petersburg, then I had a long trip abroad with had much to do in various cities, and ultimately it was impossible for me to satisfy my keen desire to attend to you. I returned home 4 days ago and immediately laid out your works. As for the suite, I had it with me in Petersburg and played it several times in 4 hands with the son of my friend Nápravník. I have studied all the rest of your compositions in the last 4 days. Here are the outcomes of my various impressions. It is beyond doubt that you possess a true talent for composition. But this is a talent that is still finding its way, whose individuality is not yet pronounced, which falters a little and still lacks what they call mastership. In short, the fruit is good, but not yet ripe. What strikes me most is that there is a certain stiffness in your themes and their development, something artificial; it is as though you are afraid of being simple and natural. For example, there is not enough symmetry in your rhythm! Even the dance tunes often have too many or too few bars. And so in No. 1 of "Jarni nálady", the waltz theme is 11 bars; in No. 11 it is 13 bars, etc., etc. In the sonata, Op. 14 the themes are insufficiently developed, there are pauses, modulations by jumps.

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In No. 1 of Op. 17 the opening is plain and charming, but in the 7th bar the melody and rhythm cease to be simple and natural, and the contrivances begin; in No. 11 of Op. 17 the delicious theme of the lullaby is spoiled by the defective rhythm (there are 17 bars), and ultimately almost everywhere you err with a lack of simplicity and naturalness. Sometimes your modulations are tortuous, for example in the trio (Op. 9).

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The second part of this trio is quite charming, full of vivaciousness, harmonic details and rhythmic piquancies. I found some charming things in the Suite, although the forms seemed a little terse, and not sufficiently developed. As for your vocal pieces — I cannot say much because I do not understand the text. You are very highly versed in the art of counterpoint. Ultimately you surely possess a true talent, and I continue you as much as possible to continue. Your opera interests me a great deal; is it published?

With that, my dear friend, I embrace you. I place myself at the feet of your delightful little wife, and kiss her hands with a thousand tender compliments.

Yours, P. Tchaikovsky