Letter 3563b

Tchaikovsky Research
Revision as of 14:28, 12 July 2022 by Brett (talk | contribs) (1 revision imported)
(diff) ← Older revision | Latest revision (diff) | Newer revision → (diff)
Date 10/22 May 1888
Addressed to Léonce Détroyat
Where written Frolovskoye
Language French
Autograph Location unknown [1]
Publication Piotr Ilyitch Tchaïkovski (1993), p. 542 (abridged)
Tchaikovsky Research Bulletin No. 2 (April 2011), p. 19-20 (with English translation, p. 20-22)
Чайковский. Новые материалы к творческой биографии (2013), p. 346-347 (with Russian translation, p. 347-350)

Text and Translation

French text
(original)
English translation
By Luis Sundkvist
Kline, prés [de] Moscou
10/22 Mai 1888

Cher et très respecté Monsieur!

C'est non sans un certain effroi que je prends la plume pour rèpondre au si aimable envoi d'un scénarium d'opera, que Vous avez bien voulu me faire. Je Vous suis bien reconnaissant, je suis énormément flatté de l'attention que Vous m'avez témoignée, je suis fier de ce qu'un ecrivain de Votre valeur ait désiré m'avoir pour collaborateur et cependant, malgré tout, je me vois obligé de renoncer à l'honneur de cette collaboration. Non que je trouve [ce] scenarium peu interessant ou deffectueux; au contraire je le crois excellent et plein d'effets scèniques; je ne doute pas qu'un musicien français soit capable d'en faire un opera à grand succès. Mais (Vous me permettez, n'est ce pas, Monsieur, de parler franchement) malgré toutes ses belles qualités, ce sujet me laisse froid et que j'aurais beau m'efforcer de bien faire, jamais je ne parviendrai à élever mon inspiration musicale au niveau des qualités scèniques et litteraires de Votre libretto. Peut ètre est-ce parceque Vous avez transporté les personnages d'un roman de Chateaubriand très fantaisiste et un peu en dehors de la réalité, dans un pays que je connais pour l'avoir souvent visité et dont les mœurs, les usages, les coutumes n'ont rien de commun avec les beaux sentiments, le langage choisi et le caractère romantique de Khoudza, Nuddra, Gourgène etc. Or, en qualité de russe, je suis très soucieux de la vèrité locale et historique. C'est probablement un défaut, car Scribe, par exemple, n'etait nullement scrupuleux sur le chapitre de l'histoire et de l'etnographie, ce qui n'a pas empèché que des opéras écrits sur ses poèmes aient fait le tour du monde. Pour en revenir à la Géorgienne, je me permettrai, Monsieur, de Vous dire, que si pour Vous le Caucase est un pays exotique et très peu connu, pour moi, comme pour tous mes compatriotes, c'est une de nos provinces, dont l'histoire, l'etnographie, les mœurs, les us et coutumes sont aussi bien connus que ceux et celles de Kalouga, de Tver, de Smolensk etc. Les Russes n'ont jamais pris Tiflis, car la Géorgie dès 1783 s'est soumise à la Russie et nos bataillons y sont entrés sans coup férir. Depuis, lors Tiflis, comme tout le reste de la Géorgie, est devenu, malgré de toutes petites différences dans les coutumes, une ville dans le genre de vie et les mœurs, une ville russe. Rien de ce qui se passe dans Votre scènarium, n'a pu se passer dans ce pays si souvent décrit, depeint et illustré poétiquement par nos grands ecrivains et nos peintres. Je ne demande pas mieux que de faire un opera sur un sujet Caucasien, car nul pays au monde ne se prète mieux à l'illustration musicale et scènique, – mais alors il faut que ce soient de vrais Géorgiens, avec leurs vrais noms, de vrais Tcherkesses, Lesguiniens, Mingrèliens et enfin de vrais Russes qui y figurent. On peut les idealiser un peu, comme l'ont fait Pouschkine et Lermontoff, nos deux grands poètes, mais encore faut-il que l'histoire et la couleur locale soient rigoureusement observées.

De grâce, Monsieur, veuillez m'excuser d'avoir si franchement et sincèrement dit mon opinion et tâché d'expliquer pourquoi La Géorgienne ne me convient pas. Et cependant avec quel bonheur, quel plaisir, j'aurais travaillé à un opera français, dont le sujet aurait eté fait par Vous, Monsieur. Pourrai-je espérer que Vous continuerez à m'honorer de Votre bienveillance et que peut-ètre] penserez Vous encore à moi. Si Vous me trouviez un sujet d'opera (dans le genre de celui de Carmen) capable de me rendre digne de Votre collaboration, combien je serais heureux, content et fier!!! De grâce, très respecté Monsieur, ecrivez moi quelques mots; dites moi que Vous me pardonnez et que je puis encore éspérer obtenir de Vous un beau libretto!!!

En attendant veuillez croire à ma grande reconnaissance et à ma très haute estime.

P. Tschaïkovsky

Klin, near Moscow
10/22 May 1888

Dear and most respected Sir!

It is not without a certain shudder that I take up my pen to reply to your ever so kind dispatch of a scenario for an opera. I am very grateful to you, I am enormously flattered by the attention you have shown me, I am proud that a writer of your merits should have wished to have me as a collaborator, and yet, all this notwithstanding, I find myself compelled to forego the honour of such a collaboration. It is not that I find this scenario lacking in interest or defective; on the contrary, I consider it to be excellent and full of theatrical effects; I have no doubt that a French musician would be able to turn it into an opera with great success. But (You do allow me to speak frankly, is it not so, Monsieur?) in spite of all its fine qualities, this subject leaves me cold, and however much I were to exert myself to do it well, I should never manage to raise my musical inspiration to the level of your libretto's theatrical and literary qualities. Perhaps this is because you have taken the characters from a novel by Chateaubriand which is very fanciful and a little out of touch with reality, and put them in a country which I know because I have often visited it, and whose customs and mores have nothing in common with the fine sentiments, exquisite speech, and romantic temperament of Khoudza, Nuddra, Gourgène etc. For, as a Russian, I set great store by local and historical truth. This is probably a shortcoming, because Scribe, for example, had no scruples whatsoever with regard to history and ethnography, and yet this has not prevented the operas based on his poetic texts from achieving world-wide success. To return to La Géorgienne, I shall permit myself to say to you, Monsieur, that whilst for you the Caucasus may be an exotic and almost unknown country, for me, as for all my compatriots, it is one of our provinces whose history, ethnography, customs and traditions are as well-known to us as those of Kaluga, Tver, Smolensk etc. The Russians have never taken Tiflis, because Georgia has since 1783 submitted to Russia, and our battalions went in there without having to strike a single blow. Moreover, Tiflis, like the rest of Georgia, has since then — despite all the little differences in customs, lifestyle, and mores — become a Russian city. Nothing of what takes place in your scenario could possibly have happened in a country which has been described, depicted, and illustrated so often by our great writers and painters. I could not ask for anything better than to create an opera on a Caucasian subject, because no other country in the world lends itself so well to musical and dramatic illustration, but in that case it should have to feature real Georgians, with their real names, real Circassians, Lezgins, Mingrelians, and, last but not least, real Russians. One can idealize them a little, as Pushkin and Lermontov, our two great poets, did, but it is essential to pay heed rigorously to the local history and colour.

Please, Monsieur, do forgive me for having spoken my mind so frankly and sincerely, and for having tried to explain to you why La Géorgienne is unsuitable for me. And yet, with what happiness, with what pleasure I would have liked to work on a French opera whose subject had been provided by you, Monsieur. May I hope that you will continue to honour me with your goodwill and that perhaps you will think about me a little? If you could find an opera subject (in the same genre as Carmen) that were capable of making me worthy of your collaboration, how happy, satisfied, and proud I should be!!! Please, highly esteemed Monsieur, do write to me a few words; tell me that you forgive me and that I can still hope to obtain a fine libretto from you!!!

Meanwhile, I ask you to believe in my great gratitude and my high esteem for you,

P. Tchaikovsky

Notes and References

  1. The autograph was auctioned in 1992 in Paris in 1992 — see Vente à Paris – Drouot-Richelieu. Mercredi 8 avril 1992, salle no. 7 (Paris, 1992), lot no. 126. A photocopy of the original letter was kindly provided to us by Thierry Bodin, the manuscript expert consulted when the letter was auctioned.